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Attentats de Paris : "la rhétorique guerrière contribue à la panique"

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Cécile Coudriou est l'ancienne vice-présidente d'Amnesty France. A ce titre elle sera mardi prochain à l'université de Bourgogne à Dijon pour y animer une conférence sur la liberté d'expression. Nous l'avons interrogée sur les attentats de Paris, dont le bilan est de 129 morts et 352 blessés.

Cécile Coudriou, ancienne vice-présidente d'Amnesty international
Cécile Coudriou, ancienne vice-présidente d'Amnesty international

Cécile Coudriou, au regard des atrocités que la France vient de vivre, François Hollande a décrété l'état d'urgence dans tout le pays, et souhaite en prolonger l'application pour trois mois. Est-il encore possible selon vous d'assurer la sécurité nationale, sans rogner sur les libertés individuelles des Français ?

"C'est une problématique constante, pas seulement depuis ces derniers attentats. Il est vrai que toute la question est celle du curseur entre sécurité et liberté. Et nous sommes dans notre rôle en tant qu'ONG des droits de l'Homme lorsque nous veillons à ce qu'il n'y ait pas d'atteintes portées aux droits humains au nom d'un but, très légitime par ailleurs, qui est bien sûr la sécurité des citoyens. Dans un tel état de panique en France, on ne peut pas ne pas répondre à une angoisse. On comprend bien que le rôle de l'Etat, c'est aussi de prendre des mesures fortes. Par définition, l'état d'urgence est tout à fait exceptionnel, et il est important que ça le reste. Amnesty International lance des alertes sur des dérives potentielles, notamment pour que ce que est exceptionnel ne devienne pas une norme."

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"Nous sommes en guerre", a déclaré le président de la République. Un terme repris du reste par de nombreuses personnalités politiques. Êtes-vous d'accord ?

"C'est un terme que nous n'employons pas. Nous parlons de crimes abjects, de violation des droits humains, dont le premier est le droit à la vie. Mais il faut se méfier des mots. Effectivement, une rhétorique guerrière contribue justement à augmenter la panique, et non pas essayer de réfléchir, malgré l'émotion que nous partageons tous. De même, lorsqu'on parle de 'terrorisme', si on regarde ailleurs, on se rend bien compte à quel point ce terme est extrêmement vague, de même que celui 'd'apologie du terrorisme', et que parfois dans d'autres pays il sont employés tout simplement pour faire taire la dissidence. Je ne dis pas que c'est le cas en France, on en est loin bien sûr, mais il faut faire très attention à la façon dont on utilise des mots pour justifier des lois nouvelles et faire taire la critique."

Ces lois nouvelles, vous avez tendance à vous y opposer. En quoi les lois antiterroristes sont-elles potentiellement dangereuses selon vous ?

"Nous avons un exemple récent : la loi sur le renseignement et juste après, la loi sur les communications internationales. On voit bien à quel point parfois la panique gagne aussi les gouvernements, qui agissent sans prendre le temps du débat démocratique. Et pourtant les conséquences sont très importantes sur l'ensemble des citoyens. Et pas seulement ceux que l'on appelle les terroristes. Si on se met à entrer dans une ère du soupçon où tout citoyen peut être écouté, je pense qu'il y a aussi des dérives potentielles à cette lutte contre le terrorisme contre lesquelles nous devons aussi nous élever."

"Liberté, égalité, fraternité" : les fondements de la République ont été clairement mis à mal par ces attaques. Sont-ils en danger ? 

"Ces valeurs il faut les défendre à tout prix même lorsque la sécurité est en danger. Mais il faut toujours veiller à ne pas aller trop loin, car lorsque les lois sont votées et la population n'en a même pas pris conscience, il est trop tard, on ne peut plus reculer. Il ne faut pas non plus tomber dans une espèce d'Etat sécuritaire, et l'on doit rester dans le cadre du droit international pour s'assurer que cette lutte contre le terrorisme, encore une fois légitime, ne donne pas lieu ensuite à des dérives. C'est vraiment le message essentiel : ne pas céder à la peur."

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