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Réforme du code minier : colère des riverains des bassins miniers lorrains

Les ordonnances prises par le gouvernement, ce mercredi 13 avril, réformant le code minier, provoquent la colère des victimes d'affaissements miniers en Lorraine et des associations de protection de l'environnement. Les textes visent à développer de nouvelles filières d'énergie en France.

Joëlle Pirih montre une fissure dans le mur de sa maison, en pente à cause des affaissements miniers.
Joëlle Pirih montre une fissure dans le mur de sa maison, en pente à cause des affaissements miniers. © Radio France - Soizic Bour

Elles étaient très attendues, mais ont beaucoup déçu. Plusieurs ordonnances ont été prises par le gouvernement la semaine dernière, mercredi 13 avril, pour réformer le code minier en France : une réforme discutée depuis plus de dix ans. De nombreuses entreprises ont pour projet d'exploiter les ressources naturelles de nos sous-sols : gaz de couche, lithium, hélium, hydrogène… Il s'agit à la fois de faciliter leurs démarches, dans un souci de souveraineté énergétique, mais aussi de garantir la protection de la planète, en associant ces travaux miniers au code de l'environnement. Un enjeu qui s'avère encore plus urgent depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, et le risque de ne plus pouvoir importer d'énergie russe. Mais bilan des courses : entreprises comme associations de défense de l'environnement ne sont pas pleinement satisfaites.

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Absence de débat démocratique

D'abord, le gouvernement a eu recours aux ordonnances : il y a bien eu concertation avec les différents acteurs concernés, mais pas de débat parlementaire, et de nombreuses revendications n'ont pas été prises en compte dans le texte final : c'est vécu comme un passage en force par les associations de protection de l'environnement ou le Collectif de défense des bassins miniers lorrains

Ensuite, la volonté affichée du gouvernement d'accélérer les projets d'exploitation de nos sols désespère des associations comme l'Apel 57, qui se bat contre de futurs forages de gaz de couche en Moselle-Est. "Quand on simplifie les procédures, on renonce généralement à un certain nombre de contrôles ou de précautions. Ca nous parait incompatible avec une protection accrue de l'environnement", estime Marieke Stein, l'une de ses membres. 

Il y a une volonté politique affichée, mais derrière, la réglementation n'est pas adaptée - Nicolas Pélissier

Les entreprises du secteur, elles, reconnaissent des avancées certaines : par exemple "l'extension à dix ans des permis d'exploration, ou l'inscription de l'hydrogène dans le code minier", ce qui va ouvrir de nouvelles perspectives à Nicolas Pélissier, président de 45-8 Energy, basé à Metz, qui mène plusieurs projets de captation d'hélium et d'hydrogène naturel dans la Nièvre et le Doubs. Mais il reste beaucoup d'imprécisions qui ne vont pas dans le bon sens, selon lui : "Le risque, c'est qu'il y ait beaucoup de recours, qu'on doive compter sur la jurisprudence pour savoir comment gérer certains articles" de ces ordonnances. Le chef d'entreprise craint aussi que les délais de traitement des dossiers s'allongent : "Aujourd'hui, une demande de permis d'exploration met 18 à 24 mois à être traitée. Désormais, il faut rajouter le niveau du code de l'environnement. C'est souhaitable, nous sommes soucieux de la préservation de l'environnement. Mais ça ne va pas raccourcir les temps d'instruction.

Des milliers de victimes d'affaissements miniers dans l'impasse

Il y a aussi une autre ordonnance, consacrée à l'indemnisation des "dommages" miniers, qui hérisse de nombreux Lorrains. L'occasion était de faire enfin reconnaître la responsabilité de l'Etat et des anciennes sociétés qui ont exploité le charbon ou le fer lorrains, dans les nombreux sinistres dus aux affaissements miniers. Or le texte ne concerne que les dommages à venir, et non ceux passés ou présents. "Pour l'instant, rien n'est reconnu. On nous dit que ce sont des malfaçons dans nos maisons, ou des inondations dues aux pluies", explique Joëlle Pirih, l'une des sinistrés de Rosbruck. 

Il y a bien des procès en cours, quelques indemnisations ont été versées, mais bien loin de ce qu'il faudrait : "Elles ne servent que pour des réparations provisoires, les dégâts continuent et les sinistrés payent de leur poche. La seule solution serait de relever nos maisons, mais c'est impossible, ça coûte trop cher", se désole Joëlle.

Le Collectif de défense des bassins miniers lorrains aussi, est révolté par cette ordonnance, pour laquelle il a pourtant été consulté. Mais aucun des points soulevés n'a été pris en compte. "La définition du dommage minier ne prend en compte que la cause directe et déterminante de l'activité minière. Cela veut dire que dans le bassin houiller, où la nappe phréatique remonte, aucune indemnisation n'est possible pour les communes inondées, car il s'agit d'une cause indirecte qui arrive après le dégât minier. C'est indécent !", s'insurge Olivier Tritz, le président du collectif.

Autre aspect qui révolte les sinistrés : le maintien du FGAO, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages, qui est jugé "totalement inefficace, depuis des années qu'il existe, dans tous les bassins miniers de France", selon Olivier Tritz. Dans le bassin houiller de Moselle-Est, la plupart des 180 demandes d'indemnisations déposées en 2010 ont été rejetées par le fonds de garantie. Et dans le bassin ferrifère du Pays haut (Piennes, Landres et environs), seuls 8% des 160 dossiers déposés ont été acceptés. Et comme les anciens mineurs dans leurs demandes de reconnaissance de maladies professionnelles, les sinistrés dénoncent l'attitude de l'agent judiciaire de l'Etat qui conteste systématiquement toutes leurs démarches.

Comme aucun recours n'est possible contre une ordonnance, Olivier Tritz espère relancer le débat au plus vite : "se faire entendre avant le second tour de l'élection présidentielle, et interpeller les candidats aux élections législatives".

En Lorraine, près de 500 communes sont concernées par le risque d'affaissement minier. On estime à 20.000 le nombre de maisons du bassin houiller menacées d'inondations à cause de la remontée des nappes phréatiques, depuis la fermeture des dernières mines dans les années 2000.

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