Architecture : dans la Vienne, une nouvelle génération d'école maternelle sort de terre

Le pari semble un peu fou, construire une école avec la terre trouvée sur place, mais la commune de Mignaloux-Beauvoir semble l'avoir bien remporté. La future école maternelle, d'environ 1 000 m², accueillant 8 classes pour 150 élèves s'apprête à ouvrir en janvier 2025, avec une particularité : environ 160 m² de murs en terre.

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La technique employée n'est pas si complexe, et même plutôt ancestrale. "Pour la construction terre, il y a de nombreuses techniques possibles. Nous, sur ce chantier-là, on est parti sur une technique de torchis et d'enduits terre", explique David Decelle gérant de l'entreprise de maçonnerie et de taille de Pierre Uniscop, "la mise en œuvre est assez simple parce qu'on vient remplir une ossature en bois, avec notre mélange de terre, sable et chanvre".

Quand on lui demande s'il trouve la méthode innovante, il en rit : "Ce sont des techniques ancestrales, mais qu'on redécouvre. Dans ce sens, on peut dire que, oui, c'est innovant". Pourtant, cet artisan aurait encore trouvé il y a quelques années l'idée de se lancer dans la construction de bâtiments en terre un peu folle. "Dans la Vienne, il y a très peu de chantiers en terre parce qu'il y a très peu d'entreprises qui maîtrisent ce matériau", détaille-t-il.

Des atouts thermiques et esthétiques

Ce samedi 20 avril, l'architecte Brice Kester, de l'agence Duclos Riboulot Kester en charge de la construction de cette école, a mené une visite du chantier, ouverte au public. Arrêté devant un mur, il présente un grand rond qui n'est pas sans rappeler la lune. "On a laissé vide des grands ronds de 80 cm pour voir la couche de dessous. On voit que c'est fissuré, mais ce n'est pas très grave" explique-t-il, "et puis il y a un peu de moisissure. C'est normal. Un petit coup de vinaigre, ça va disparaître".

L'utilisation de terre peut surprendre, mais ce matériau présente de nombreux avantages. "Esthétique d'abord. Les murs sont magnifiques à voir et à toucher", précise l'architecte, "d'un point de vue technique, la terre permet de réguler la température, mais aussi l'hygrométrie". Brice Kester explique ainsi que la terre doit naturellement réguler le taux de saturation de l'air en vapeur d'eau, pour un confort optimal entre "55 et 60 %, optimal pour l'homme". À ça, il faut ajouter un engagement écologique : "il y a aussi le bilan carbone de tout ça. Si on doit détruire le bâtiment, la terre retourne à la terre. Aussi, on ne fait pas venir des matériaux de l'autre bout du monde. Il est sous nos pieds".

La terre employée pour les murs a, en effet, été ramassée directement sur le terrain de l'école. "La base de la construction en terre, c'est de la terre argileuse", souligne David Decelle, "Si on a une terre limoneuse, donc sableuse, elle ne se tient pas. Le fait qu'il y ait de l'argile, ça crée du lien. Donc, sur le site de Michel Bouvard, c'était du bonheur parce qu'il n'y a que de la terre argileuse". À noter que selon la composition du sol, les architectes peuvent jouer sur la couleur des murs. Le mur attenant à la future cuisine est ainsi plus clair que ceux des salles de classe.

Un temps de séchage long pendant un hiver pluvieux comme cette année

Côté inconvénients, les architectes soulignent le besoin d'une main d'œuvre plus importante que pour des murs en parpaings par exemple, ou encore une difficulté de séchage pendant les périodes humides. Le coût aussi, est plus élevé que des bâtiments moins ambitieux sur les engagements écologiques, mais les architectes rappellent les économies réalisées sur la consommation d'énergie pendant les fortes chaleurs, ou encore le meilleur confort général du bâtiment. Au total, les travaux sont estimés à environ 4,5 millions d'euros.

Côté risque, plusieurs tests ont été réalisés pour tester la résistance aux séismes ou encore au feu. "On s'est rendu compte que chauffer nos murs en terre, donne de la terre cuite !", s'amuse Brice Kester. Des kits de réparation sont aussi prévus pour entretenir les murs en cas de dégradation. Enfin, la terre n'est pas le seul matériau utilisé pour ce futur établissement scolaire. Charpente en bois, isolant en paille, mais aussi dalle en béton, les techniques s'adaptent aux besoins de la construction.

Du côté de la mairie, mais aussi des architectes ou artisans, on voit déjà cet équipement public comme une future référence d'architecture écologique dans le Poitou. Concernant la qualité du bâtiment, les futurs juges en culotte courte n'ont pas encore rendu leur verdict. L'accueil des élèves est prévu pour l'année prochaine.

Cette visite de chantier a été organisée dans le cadre du cycle « TERRE », de la Maison de l’Architecture de Poitiers. Des informations sur une exposition et un programme d'autres événements sont à retrouver sur le site internet de la Maison de l'Architecture.