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Biodiversité : comprendre les enjeux du projet de loi européen sur la restauration de la nature

Par
  • France Bleu

Le Parlement européen a donné un premier feu vert ce mercredi à un projet de loi qui vise à restaurer les écosystèmes de l'Union européenne (UE), malgré de vives oppositions des députés de droite. Voici quatre questions pour comprendre ce projet de loi.

Le Parlement européen a donné un premier feu vert au projet de restauration des écosystèmes Le Parlement européen a donné un premier feu vert au projet de restauration des écosystèmes
Le Parlement européen a donné un premier feu vert au projet de restauration des écosystèmes © AFP - BRINGARD Denis / hemis.fr

Le Parlement européen a donné un premier feu vert (336 voix pour, 300 contre, 13 abstentions), ce mercredi au projet de loi de restauration des écosystèmes, un texte-phare du Pacte vert de l'UE proposé par Bruxelles auquel s'opposaient des élus de droite et d'extrême droite. Cette législation vise à imposer aux États des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l'exploitation intensive, pour préserver la biodiversité. Les eurodéputés devront désormais en négocier le contenu avec les États membres. France Bleu vous résume les enjeux du texte.

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Que contient le texte ?

Le texte vise à enrayer le déclin de la biodiversité et à mieux contrer le changement climatique en imposant de réparer les écosystèmes abîmés. L'ambition de la Commission européenne est d'imposer aux 27 l'instauration d'ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et des espaces marins à l'échelle de l'UE, puis d'ici 2050 sur l'ensemble des zones qui le nécessitent.

Selon Bruxelles, à cause de la pollution, de l'urbanisation et de l'exploitation intensive, plus de 80% des habitats naturels de l'UE sont dans un état de conservation "mauvais ou médiocre". Les tourbières, les dunes et les prairies sont particulièrement en danger. Jusqu'à 70% des sols sont en mauvaise santé.

Pour inverser le déclin des populations de pollinisateurs d'ici 2030, le projet prévoit notamment l'extension de zones "à haute diversité" (haies, mares, jachères ...) avec l'objectif indicatif qu'elles représentent 10% des terres agricoles à l'échelle de l'UE. Parmi les autres mesures, Bruxelles propose de supprimer des obstacles (par exemple certains petits barrages obsolètes) sur les fleuves et rivières, afin d'atteindre "au moins 25.000 km" de cours d'eau "libres" d'ici la fin de la décennie.

Pourquoi des députés s'y opposent ?

Avant le vote de ce mercredi, le Parti populaire européen (PPE), première force au Parlement de Strasbourg, réclamait le rejet complet du texte. Certains députés de droite mettent en avant l'impact potentiel pour l'agriculture, la pêche ou les énergies renouvelables. "L'étude d'impact fournie ne précise pas l'impact pour la production agricole, les surfaces protégées, le coût de la vie... On nous demande de signer un chèque en blanc, sans frein d'urgence si ça se passe mal", estimait Esther de Lange, vice-présidente allemande du PPE. Mais la Commission européenne et des scientifiques ont balayé ces conclusions.

Le groupe réclamait à Bruxelles une nouvelle proposition législative "mieux rédigée et respectueuse des attentes des Européens", et assortie d'études d'impact supplémentaires, a rappelé l'élue conservatrice française Anne Sander, rapporteure en commission Agriculture.

Des agriculteurs s'opposent aussi au texte. Plusieurs professionnels ont d'ailleurs manifesté la veille du vote devant le Parlement à Strasbourg. Ils dénonçaient un texte qui leur ferait perdre "10% de la SAU" (surface agricole utile). Il y a "déjà des surfaces qui sont restituées à la nature" et les agriculteurs ont déjà enregistré "beaucoup de pertes" avec la nouvelle Politique agricole commune (PAC), confie à l'AFP Florian Lossel, exploitant près de Strasbourg. "Au bout d'un moment ça fait trop, c'est plus possible".

Le groupe conservateur dit avoir défendu une ligne soutenue par de nombreux électeurs, notamment du monde agricole, hostiles à des régulations environnementales qu'ils jugent excessives. "Je suis bien sûr déçu, mais notre engagement n'a pas été vain. Je continuerai à défendre la volonté des habitants des zones rurales", a déclaré l'élu conservateur allemand Peter Liese.

Que répondent les défenseurs du texte ?

Fac à l'opposition de la droite, la gauche et le centre ont, eux, dénoncé, une opération politicienne du chef du PPE Manfred Weber, évoquant une stratégie de rapprochement avec l'extrême droite. Une posture électoraliste, selon eux, à un an du scrutin européen de juin 2024. Les députés ont d'ailleurs reçu le soutien de 3.300 scientifiques au mois de juin. Dans une lettre ouverte (en anglais), ils dénonçaient une attaque « injustifiable » de certains députés*, « largement fondée sur de la désinformation »*.

Une centaine de militants pour le climat sont également venus "mettre la pression" sur les eurodéputés en manifestant à Strasbourg, dans l'espoir que ce texte "historique" soit voté, a expliqué à l'AFP Amine Messal, étudiant à l'ENS Paris-Saclay. Parmi les activistes climatiques venus d'"au moins sept pays" de l'UE, la Suédoise Greta Thunberg avait fait le déplacement jusqu'à Strasbourg pour exhorter les eurodéputés à "voter la loi de restauration de la nature la plus forte possible", une "nécessité". "On a rarement des opportunités législatives comme celle-ci" à l'échelle européenne "et avec des objectifs un minimum ambitieux" pour préserver et restaurer ces espaces, abonde Amine Messal.

Le Parlement européen a cependant approuvé ce mercredi une version du texte "largement édulcorée" par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne, selon les écologistes. Le rapporteur du texte, l'eurodéputé espagnol César Luena (S&D, gauche) a tout de même salué une "victoire collective" et "une bonne nouvelle pour la nature, les États membres et l'UE elle-même""Le Parlement européen a voté en faveur d'objectifs juridiquement contraignants visant à restaurer les zones naturelles dégradées", s'est réjoui de son côté Greenpeace, saluant "le premier texte législatif depuis 30 ans pour protéger la biodiversité dans l'UE".

Que va-t-il se passer après ce premier feu vert ?

Si les eurodéputés ont donné un accord de principe à l'adoption de ce texte, ils vont maintenant devoir négocier le texte final avec les pays membres de l'UE. "Nous devons maintenant poursuivre ce travail, défendre notre position lors des négociations avec les États membres et parvenir à un accord avant la fin du mandat de ce Parlement afin d'adopter le premier règlement sur la restauration de la nature dans l'histoire de l'UE" a déclaré César Luena après le vote. Le texte sera négocié en trilogue, c'est-à-dire lors de réunions tripartites entre des représentants du Parlement, du Conseil de l'UE de la Commission européenne. L'adoption définitive est espérée d'ici à début 2024.

À la différence de précédents engagements de l’UE en faveur de la restauration des écosystèmes et des espèces, cette réglementation, une fois définitivement adoptée, sera juridiquement contraignante pour les États.

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