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La part de l'inflation due à la pandémie "va se résorber" pour l'économiste toulousaine Emmanuelle Auriol

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Nous faisons tous le même constat à la caisse : les prix ont augmenté. Pourquoi ? Comment ? Peut-on espérer une baisse de l'inflation rapidement ? Le choix de France bleu Occitanie est de faire le point ce lundi matin avec Emmanuelle Auriol, économiste à la TSE, l'école d'économie de Toulouse.

En Haute-Garonne, l'inflation du panier est de 14,96% sur un an (résultat enquête France bleu, en partenariat avec franceinfo et NielsenIQ) En Haute-Garonne, l'inflation du panier est de 14,96% sur un an (résultat enquête France bleu, en partenariat avec franceinfo et NielsenIQ)
En Haute-Garonne, l'inflation du panier est de 14,96% sur un an (résultat enquête France bleu, en partenariat avec franceinfo et NielsenIQ) © Maxppp - Arnaud Journois

Plus 45% en un an sur le paquet de farine premier prix en Haute-Garonne, 25% environ d'augmentation pour les produits comme les mouchoirs ou les essuie-tout. Ce sont les résultats d'une étude France bleu, en partenariat avec franceinfo et NielsenIQ, publiée ce lundi. Il y a plusieurs raisons à cette flambée des prix. Emmanuelle Auriol, économiste à l'école d'économie de Toulouse (TSE), nous explique.

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Est-ce que l'on a raison de dire que tout augmente ?

Tout n'augmente pas. Il y a des choses dont les prix sont stables, voire baissent, par exemple les brosses à dents. C'est peut-être pas notre priorité au moment des fêtes de Noël, mais voilà, c'est comme ça. Par contre, il y a beaucoup de choses qui augmentent, notamment le prix de l'énergie, on l'a tous constaté. Et encore, en France, nous sommes protégés par les boucliers tarifaires. Il n'empêche que l'on est quand même impactés par cette hausse des prix.

Vous n'êtes pas devin, mais ça va s'arrêter quand ?

Il y a plusieurs causes à l'inflation. La première, c'est le "quoi qu'il en coûte" : on a arrosé les Français pendant la pandémie, sans qu'ils travaillent, pour de bonnes raisons évidemment. Du coup, on a augmenté ce qu'on appelle la masse monétaire et, de ce fait, quand on augmente la masse monétaire et pas les choses qu'on produit, ça fait de l'inflation.

Ça veut dire qu'il y a plus d'argent en circulation ?

Exactement. Il y a la même chose en terme de quantité, voire moins. Du coup, chaque chose va coûter plus cher. La deuxième raison, c'est parce que la pandémie a désorganisé beaucoup de secteurs, notamment du transport, mais aussi de la production en Asie. Et de ce fait, on sort de la pandémie avec des pénuries. Ça, c'est tout à fait normal aussi. Ces pénuries vont mettre un peu de temps à se résorber, mais petit à petit, ça va rentrer dans l'ordre. Enfin, ça dépend aussi un peu de la politique zéro-Covid de la Chine, mais tout de même, ça va rentrer dans l'ordre, avec le temps.

La troisième cause, pour l'énergie et les céréales par exemple, c'est la guerre en Ukraine et le fait qu'évidemment les marchés de l'énergie sont impactés.

Sur les deux premières causes, ça va se résorber, parce que c'est tout à fait ponctuel. C'est lié à la pandémie et la pandémie, heureusement, est derrière nous. En revanche, pour le prix de l'énergie, il faut attendre que la situation en Ukraine se stabilise, ce qui, pour l'instant, n'est pas le cas.

Quelles sont les solutions, en attendant, pour faire face à cette inflation ? Augmenter les salaires, par exemple, ce serait une bonne idée ?

Le problème, si on commence à augmenter tous les salaires de manière uniforme, c'est que l'on va entrer dans une spirale inflationniste. Parce que les entreprises se retrouvent avec des matières premières plus chères, du travail plus cher et finalement elles se retrouvent avec du crédit qui est plus cher puisqu'un des instruments pour lutter contre l'inflation, c'est ralentir la création monétaire. Donc, la Banque centrale européenne augmente les taux. Quand on augmente les taux d'intérêt, on diminue le crédit parce que le crédit devient plus cher et donc les gens en prennent moins. Et quand on diminue le crédit, on diminue la création monétaire dont on parlait tout à l'heure. De ce fait, on ralentit l'inflation. Mais ça veut dire que pour les entreprises, le crédit est plus cher. Donc si tout est plus cher, on comprend bien que les prix pour les consommateurs à la fin sont aussi plus chers.

On comprend bien que ce n'est pas forcément une bonne idée pour vous d'augmenter les salaires. Vous parlez du bouclier tarifaire, en disant que ça avait un petit peu limité l'inflation, il faut le maintenir ce bouclier ?

Alors ça fait partie des instruments temporaires. Pour les salaires, je ne suis pas contre des augmentations, en particulier des plus bas salaires. En revanche, pour les gens bien payés, qui ont accumulé de l'épargne pendant la pandémie, les études le montrent, ceux-là peuvent attendre un peu. Mais bien sûr, pour les plus modestes et les plus fragiles, il est indispensable de les aider. Il y a des primes que l'on peut donner temporairement, les entreprises le font, elles ont raison. De toute façon, il y a aussi une dernière chose qui favorise les salariés en ce moment, c'est la pénurie de salariés qui contribue à l'inflation puisque si vous voulez garder vos salariés, il faut mieux les payer, sinon ils partent ailleurs.

Donc mécaniquement, pour vous, certains salaires vont augmenter. Justement, Emmanuelle Auriol, vous avez aussi rédigé une note du Conseil d'analyse économique pour qu'il y ait plus de travailleurs immigrés qualifiés parce qu'on manque de main d'œuvre dans beaucoup de secteurs, par exemple la restauration. Le gouvernement a récemment proposé de créer un titre de séjour pour les métiers en tension. Est-ce que ça vous semble une bonne piste ?

Tout à fait. Pour des tas de raisons. La stratégie de tolérer des sans-papiers pour faire des tâches pour lesquels on n'arrive pas embaucher, on l'a vu pendant la crise sanitaire. Les livreurs à vélo par exemple. Les travailleurs en première ligne étaient souvent des sans-papiers. Et donc, ça nuit à la République parce qu'évidemment c'est un mauvais équilibre. Ce n'est pas une solution de laisser venir des gens qui risquent leur vie dans la Méditerranée. Ça saborde complètement la démocratie et en même temps, s'il y a du boulot, ces gens-là viennent. Je pense que c'est une bonne idée.

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