Un médecin de Dieppe sanctionné car il signe trop d'arrêts de travail : "Des arrêts absolument nécessaires"
Selon l'Assurance maladie, le docteur Tribillac, à Dieppe, signe trois fois plus d'arrêts de travail que ses confrères. Un chiffre que le médecin, non seulement confirme, mais assume et défend.
Le docteur Tribillac, 69 ans, est installé depuis plus de trente ans dans un petit cabinet médical, situé dans le quartier populaire du Val Druel, à Dieppe (Seine-Maritime). Il n'est pas loin des tours d'habitation, et de l'immense centre commercial. Sa patientèle, il le dit lui-même, est très populaire. "Mais ce sont des travailleurs", s'empresse-t-il de préciser. "Trop de monde voit la couche populaire comme une couche paresseuse, qui ne travaille pas".
"C'est de l'injustice et de la méconnaissance"
Des travailleurs qu'il arrête souvent. Trop souvent selon l'Assurance maladie. Trois fois plus que la moyenne de ses confrères. La CPAM, Caisse primaire d'Assurance maladie, lui a donc demandé de réduire de 20% le rythme. "Mais déjà 5% c'est impossible. Si je signais trop d'arrêts, je comprendrais, mais là, ils sont justifiés. C'est de l'injustice", se défend-il. Pour lui, cela témoigne d'une méconnaissance des quartiers populaires, "où l'on tombe malade plus souvent, plus tôt dans la vie, où l'on exerce des métiers difficiles, plus longtemps, avec des contrats parfois précaires, où l'on a peur de s'arrêter de bosser. Il y a aussi des raisons spécifiques à Dieppe, je pourrais citer le travail à la coquille, rémunéré au poids."
Le docteur Tribillac se défend d'être le médecin que l'on va voir quand on ne veut plus travailler. "En somme, je suis le vilain médecin, qui aide des fainéants qui ne veulent pas bosser, en creusant le trou de la Sécu", conclut-il, un demi-sourire aux lèvres.
Il avance de l'argent à ses patients
Puisqu'il a refusé de réduire le nombre d'arrêts maladie, il a donc été placé sous surveillance. Ses arrêts sont désormais vérifiés par la CPAM de la Seine-Maritime. Pour éviter que ses patients n'en pâtissent financièrement, il a donc décidé de leur avancer de l'argent. "C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour qu'ils n'aient pas cette crainte-là en plus quand je les arrête. J'ai des réserves et je ne suis pas trop près de mes sous, tant pis."
Dans le viseur de ce médecin, un document, qu'il appelle un référentiel, de la CPAM, qui liste les catégories de population selon leurs revenus et la tolérance sur la question des arrêts maladie, de 1 à 5. La dernière catégorie étant la plus populaire. Un référentiel où selon le médecin, "environ 44% de la Seine-Maritime serait dans la catégorie 5". Une catégorie qui serait donc bien trop large. "Le revenu de ma patientèle est très en dessous de la moyenne de cette catégorie. Comparer les habitants d'ici à cette moyenne, c'est une saloperie indigne."
Le médecin, qui a déjà dépassé l'âge de la retraite, est prêt à aller au bout de son combat. Il a lancé une pétition en ligne, qui a recueilli près de 800 signatures, et persiste : il ne signera pas moins d'arrêts. C'est une question de principe, et de façon de voir la médecine, selon lui.
Contactée, la CPAM de la Seine-Maritime n'a pas souhaité répondre à nos questions.
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