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PAROLES DE MANUCHARDS - Claude Descours, "si c'était à refaire, je ferais certainement plus"

PODCAST - Cinq ouvriers de la Manufacture d'armes de Saint-Étienne témoignent de ce fleuron de l'industrie nationale. Des années 1960 jusqu'à la fermeture en 2001, c'était un haut lieu de la vie ouvrière dans la Loire, à côté de l'activité minière. Claude Descours était un manuchard.

Depuis le Moyen-Âge, les armes de guerre et de chasse étaient déjà produites à Saint-Étienne jusqu'à atteindre plus de 10 000 pièces à la Révolution, et plus du double un demi-siècle plus tard. Établissement d'État à la fin du XIXe siècle, les usines de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne ont vu sortir les emblématiques pistolets automatiques MAS G1, le FAMAS mais aussi les tourelles de véhicules blindés ou encore certaines armes antichars. 

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Si en 1958 le président Charles de Gaulle annonce un investissement conséquent pour l'arme atomique comme nouvelle force de dissuasion, c'est au moment de la chute du Mur de Berlin et la fin du bloc soviétique que le sort des manufactures d'armes en France se jouera au profit d'une défense européenne, ce qui aura pour conséquence la suppression de dizaines de milliers d'emplois. Parmi eux, les ouvriers de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne qui sera démantelée petit à petit malgré une forte lutte ouvrière qui aura duré plus de vingt ans jusqu’à la fermeture définitive en 2001. Voici l'histoire et le témoignage de Claude Descours, Manuchard à Saint-Étienne.

Claude Descours - Alexandre Czuczman, Radio France
Claude Descours - Alexandre Czuczman, Radio France

”Si c’était à refaire, je ferai certainement plus”

Aîné d’une famille de six enfants, ce pur stéphanois est parti au travail très jeune. Si ses grands-parents ont fait partis des ouvriers de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne notamment pendant la Seconde Guerre Mondiale, c’est après quelques mois d’activité qu’un voisin annonce à ses parents qu'ils pourraient l’inscrire au concours de l’école d’apprentissage de la réputée “Manu”. L’esprit de camaraderie, de solidarité et de résistance va de pair avec ce jeune homme de 15 ans que ses professeurs considèrent comme un meneur en plus d’être un très bon élève qui lui permettra en 1966, date de son entrée en apprentissage, d’approcher les métiers de la précision dont la métrologie qui permet de contrôler les pièces fabriquées en atelier au micron près mais sans jamais faire de rapport aux supérieurs si un défaut pouvait porter préjudice aux collègues.

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“T’es Manuchard, en retraite t’as les mains toutes neuves”

Vif défenseur du droit des travailleurs et syndicaliste chevronné, Claude a un amour particulier pour la vie stéphanoise et son lieu de travail qui souffre cependant d’une certaine réputation. Quand il entend dans les gradins du stade Geoffroy Guichard les supporters de l’AS Saint-Étienne hurler à certains joueurs “va plus vite, t’es pas à la Manu” en référence au “Pas de la Manu” qui signifie que les ouvriers partaient plus vite qu’il n’entraient au boulot, Claude répond en mettant en avant les qualités et le savoir-faire de tout un établissement d’où sortaient des innovations techniques comme les épiscopes qui équipaient les tourelles de chars permettant au tireur de n’être ni touché ni aveuglé par un tir ennemi grâce à un ingénieux système de miroir. Toujours prêt à aller au “bugne à bugne” qui est l’équivalent stéphanois du “entre quatre yeux”, il n’hésite pas à aller au contact pour défendre son travail, celui des autres et pour maintenir l’équilibre entre salariés et leurs hiérarchies. Un talent particulier qui l’avait peut-être préparé aux conflits qui allaient éclater à l’annonce d’une nouvelle menace d’une fermeture définitive de la Manufacture d’Armes.

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- © Radio France - Alexandre Czuczman
Claude Descours - Alexandre Czuczman, Radio France
Claude Descours - Alexandre Czuczman, Radio France

“Ils ferment mais sans embauche derrière, c’est ça le plus dur”

Bien qu’il militent activement auprès de son syndicat pour éviter tout licenciement au sein des salariés de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne, Claude verra cinq plans sociaux successifs dont un qui a manqué de lui être fatal : alors qu’il va au front dans les manifestations, réunions, distributions de tract, collage d’affiches en plus de son travail quotidien, c’est un infarctus qui le met à terre sur son lieu de travail à l’âge de 37 ans... Il mettra une dizaine d’années à faire reconnaître à sa direction, sur l’aval des médecins, pour le faire passer en accident du travail. Ralenti dans sa tâche professionnelle, il continuera malgré tout à faire face aux annonces de fermeture du site et porter assistances à des collègues en souffrance. Regrettant surtout qu’un tel savoir-faire, que des techniques de fabrications puissent disparaître ou partir à l’étranger, Claude terminera sa carrière dans les locaux qui abritent aujourd’hui la radio France Bleu Saint-Étienne Loire mais n’a jamais souhaité pratiquer un pèlerinage particulier sur les lieux où il a travaillé de longues années, là où encore ses anciens collègues ne passent plus par certaines rues pour ne pas raviver les douleurs du passé.

Claude Descours - Alexandre Czuczman, Radio France
Claude Descours - Alexandre Czuczman, Radio France
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- © Radio France - Alexandre Czuczman

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