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"Les hommes grillagés" : une écrivaine a travaillé auprès des détenus de la maison d'arrêt de Laval

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Martine Roffinella publie "les hommes grillagés", le récit de ses ateliers d'écriture auprès des détenus de la maison d'arrêt de Laval.

Les hommes grillagés" aux éditions H&O. Les hommes grillagés" aux éditions H&O.
Les hommes grillagés" aux éditions H&O. © Radio France - Charlotte Coutard

Elle est allée volontairement en prison, pour côtoyer des détenus et travailler avec eux. Martine Roffinella a mené cinq sessions d'ateliers d'écriture à la maison d'arrêt de Laval, au début des années 2000. Cette écrivaine varoise raconte son expérience dans un livre "Les hommes grillagés" aux éditions H&O (prix : 12 euros).

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Un objectif de réinsertion

Martine Roffinella a monté un dossier avec l'aide de la fédération des œuvres laïques, de la maison des écrivains et du centre national du livre, pour intervenir dans un lieu clos. Elle vivait à cette époque en Sarthe.

"C'est à la fois une approche artistique de liberté créative, c'est-à-dire qu'on est dans les murs et par les mots on peut s'en échapper. Mais au travers des ateliers il y avait aussi cette perspective d'aider à la réinsertion lorsqu'ils sortiraient. C'était peut-être un peu prétentieux de ma part ou illusoire, mais je pensais que je pouvais apporter quelque chose de plus que de la littérature".

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Les suicides ou tentative de suicide

Martine Roffinella raconte également les suicides ou tentatives de suicide des détenus qu'elle accompagnait, comme un écho à sa propre souffrance passée, qui semble aujourd'hui dérisoire.

"Quand vous voyez quelqu'un qui disparaît comme ça de l'atelier, personne n'en parle, c'est juste une personne qui est effacée sans que nul ne s'en soucie, ce ne sont pas des gens qui comptent, un de moins. Quand vous voyez un détenu qui essaie de se suicider en prison, dans une quasi indifférence, ils essaient de se cacher au maximum pour être surs d'aller au bout de ce qu'ils voulaient, tandis de moi les tentatives de suicide que j'avais faites, c'était un appel au secours, voyez ma douleur, j'espérais qu'on me sauverait. C'était un chamboulement total, je me suis dit "recule toi un peu de toi même", ces ateliers m'ont beaucoup aidé à me détacher de ma propre petite personne, je me suis sentie ridicule dans la quasi-totalité de mes actes", explique l'écrivaine.

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Travailler avec des détenus accusés d'agressions sexuelles

Martine Roffinella ne voulait pas savoir pourquoi les détenus étaient emprisonnés, notamment parce qu'elle craignait de côtoyer des hommes accusés d'agressions sexuelles, elle-même victime pendant l'adolescence. Mais elle a accepté de travailler avec l'un de ces hommes, sans jugement.

"Puisque moi-même j'avais été l'objet de violences sexuelles à l'âge de 12 ans de la part d'un pédophile, j'espérais ne pas en avoir en atelier, c'était aussi pour ça que je ne voulais pas savoir ce qu'ils avaient fait. J'ai été confronté à ça parce que les autres membres ne voulaient pas de cet homme au sein du groupe. Moi même est-ce que je peux travailler avec ce garçon ou pas. Finalement il est resté jusqu'au bout, on a discuté de tout ça, et les autres l'ont aussi admis en disant que ce n'était pas à eux de juger, c'était à la justice de le faire. Laissez faire la justice, et travaillons".

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Une nouvelle vision de la prison

Cette expérience a transformé l'écrivaine. Elle a changé d'avis sur la prison. "Je suis arrivée comme une petite bourgeoise avec toutes sortes d'idées préconçues et formatées. Je me suis retrouvée complètement chamboulée dans tout ce que je pouvais penser, c'est tout un monde, des personnes qui avaient un univers la plupart du temps chaotique, douloureux, il y avait une espèce de dignité dans l'expression de la souffrance. L'écriture de la pièce de théâtre s'est particulièrement bien prêtée à ça. J'avais fait quelque chose de collectif, et chaque personnage incarnait tous les détenus qui participaient à l'atelier. Cette pièce donnait une assez bonne impression de l'humanité, avec une portée quasiment universelle. Et ce qui leur a permis de trouver une forme de libération". 

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"Dans ma tête j'avais été éduquée comme ça, on faisait quelque chose de mal on était puni, et que donc c'était normal qu'ils soient trois dans neuf mètres carrés, qu'il n'y ait pas de porte pour aller aux toilettes, la plupart du temps même pas de rideaux, vous êtes obligés de faire vos besoins devant les autres. Moi j'ai trouvé ça horrible. Quand on est de l'extérieur c'est un jugement, ils ont commis un crime, un acte qui justifie ça. Etre puni, être condamné, est-ce que ça englobe la condamnation à l'indignité"

"Ce n'est pas de vouloir transformer les détenus en des anges, ce n'est pas mon parti pris. Ce sont des êtres humains qui ont chacun une histoire, on n'est pas dans la galerie des montres. On ne peut pas faire de généralisation. Punir oui, mais dans la dignité".

La pièce écrite par les détenus s’appelait "Le dernier tour de place".

Martine Roffinella.
Martine Roffinella. © Radio France - Martine Roffinella

Un livre publié alors que la France a de nouveau été épinglée par la Cour européenne des droits de l'Homme. La CEDH a condamné la France jeudi dernier pour les conditions de détention dans ses prisons surpeuplées. La cour avait été saisie par 32 détenus des prisons de Nice, Nîmes et Fresnes notamment, qui dénoncent la surpopulation et la vétusté des bâtiments. La CEDH recommande de prendre des mesures. 

À la maison d'arrêt de Laval, les détenus sont également trop nombreux : ils sont en ce moment 112 détenus pour 56 places selon le syndicat UFAP-UNSA Justice. Un taux d'occupation de 200%.

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