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Le Grand Format de France Bleu Isère : une nuit en alpage, le quotidien des bergers

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Alors que les troupeaux sont de retour depuis quelques semaines seulement dans les alpages de l'Isère, Théo Hetsch a décidé de suivre au plus près le quotidien des bergers, entre gestion de l'eau, pression du loup et surfréquentation de la montagne.

En ce mois de juin, les bergers et éleveurs viennent de s'installer dans les alpages de l'Isère, et vont y passer tout l'été avec leurs troupeaux. Chaque année, près de 22.900 bêtes montent en altitude profiter de l'herbe de 176 alpages isérois. Un total de près de 79 000 hectares où les défis sont nombreux : sur fréquentation de la montagne, place du loup, gestion de l'eau... Mais aussi gérer la vie de famille et l'isolement.

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Didier Joannais et sa famille gèrent ainsi 350 vaches (appartement à 10 éleveurs) sur un alpage du Valbonnais, dans un décor de rêve. "On est arrivé la semaine dernière et on va rester jusqu'à début octobre. La première chose à faire est de vérifier l'état des clôtures et puis l'état sanitaire des vaches. Ensuite, on identifie chaque troupeau avec une médaille de couleur, pour pouvoir différencier les bêtes de chaque éleveur", raconte Didier Joannais.

Le troupeau de Didier Joannais comprend 350 vaches, appartenant à 10 éleveurs différents
Le troupeau de Didier Joannais comprend 350 vaches, appartenant à 10 éleveurs différents © Radio France - Théo Hetsch

L'alpage de Didier Joannais se situe entre 1.600 et 2.000 mètres d'altitude. Il s'étend sur 300 hectares, au pied du sanctuaire Notre Dame de la Salette, à cheval entre quatre communes : Saint Michel en Beaumont, Valbonnais, Sainte-Luce et Entraigues. "Le nombre de promeneurs notamment est énorme par ici. Au col de Parquetout, juste en contrebas, il peut y avoir une vingtaine de voitures. Et donc des déchets dans les pâturages, des masques, etc. Il y a aussi des parapentistes. Il faut tous cohabiter", veut espérer Angélique, la compagne de Didier Joannais.

Le chemin qui monte à l'alpage démarre au col de Parquetout, très fréquenté
Le chemin qui monte à l'alpage démarre au col de Parquetout, très fréquenté © Radio France - Théo Hetsch

Mais les débats qui traversent la société n'épargnent pas les alpages, notamment ceux autour de la viande et du véganisme, et ajoutent parfois de la tension : "On nous a déjà dit qu'on était des criminels", soupire Angélique, "peu de gens peuvent comprendre qu'on puisse aimer nos animaux, les élever avec amour, et effectivement la finalité c'est qu'ils terminent dans l'assiette, on les élève pour cela".

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De plus en plus de loups

Les éleveurs et bergers doivent gérer de plus en plus la présence du loup. Les chiffres publiés cette semaine par l'Office Français de la Biodiversité le montrent, leur nombre augmente fortement, 921 en France selon les derniers chiffres de l'OFB. Et d'ailleurs, l'an dernier, Didier et Angélique ont perdu pas moins de 11 bêtes en raison du loup. "Le parc des Écrins avait identifié à quelques kilomètres une meute de six loups... Plusieurs éleveurs étaient réticents à faire monter les bêtes en alpage cet année", déplore Didier Joannais.

L'alpage s'étend sur 300 hectares, à cheval entre quatre communes
L'alpage s'étend sur 300 hectares, à cheval entre quatre communes © Radio France - Théo Hetsch

Pour la première fois, le groupement a donc embauché quelqu'un pour aller vérifier tous les deux jours les troupeaux présents sur un alpage voisin, où Didier Joannais se rendait jusqu'à présent une fois par semaine, au-dessus de Valjouffrey. Mais vu la pression du loup, ce n'était plus suffisant.

"L'indemnisation ne règle rien", soupire Angélique. "Premièrement, elle représente trois fois rien par rapport aux prix de nos produits lorsqu'on peut emmener une vache jusqu'au bout. Et puis elle ne prend pas en compte toutes les pertes indirectes : plus de travail, de surveillance, d'autres méthodes d'élevage, car on ne peut plus approcher nos bêtes de la même manière. Par exemple on a arrêté d'écorner les vaches, sauf que ça nous complique la tâche au quotidien. On ne peut plus emmener les chiens là-haut, parce qu'elles sont nerveuses, elles le prennent pour un loup. Etc."

La gestion de l'eau, une angoisse croissante dans les alpages

Autre défi dans les alpages, encore plus problématique : la gestion de l'eau, particulièrement sensible en cet été 2022. Didier Joannais a effectué de lourds investissements pour augmenter ses réserves en eau, qu'il surveille tous les jours. En plus de ses trois cuves ouvertes (90.000 L au total) et de ses trois cuves enterrées (120.000 L au total), il a également fait installer un impluvium, un bassin aménagé pour capter les eaux de pluie et les sources qui descendent du vallon.

Parmi les réserves en eau de Didier Joannais, les trois cuves extérieures peuvent contenir 90.000L. Mais en cette fin juin, elles ont déjà baissé de 40cm
Parmi les réserves en eau de Didier Joannais, les trois cuves extérieures peuvent contenir 90.000L. Mais en cette fin juin, elles ont déjà baissé de 40cm © Radio France - Théo Hetsch

Car avant cela, la sécheresse l'avait contraint à monter de l'eau depuis la vallée. "Une fois par semaine, dès la mi-août, on devait effectuer une corvée d'eau une fois par semaine, on montait 8.000 L. Et ces dernières années, on devait monter de l'eau de plus en plus tôt", raconte Didier

La vie de famille en alpage... et notamment la vie d'ado

Vivre en alpage tout l'été, c'est aussi vivre en partie isolé. Certes dans un cadre magnifique, mais où le réseau téléphone et internet est pour le moins limité (il faut aller à 200m de la cabane pour avoir un peu de réseau) et pour des adolescents, ce n'est pas toujours évident. Même si les trois filles - Léa 17 ans, Clara 12 ans et Célia 4 ans - sont très heureuses de passer l'été dans ce cadre de rêve. "On se débrouille avec ce qu'on a, on monte en montagne, je fais beaucoup de photos, de coucher de soleil notamment", raconte Léa, en classe de première, en internat à Annecy. "Le week-end, j'ai hâte de rentrer et de retrouver l'alpage. Mes amis ne comprennent pas toujours, ils me disent "bah oui c'est la montagne", mais c'est bien plus que cela".

L'alpage se situe entre 1.600 et 2.000m d'altitude et offre de superbes couchers de soleil
L'alpage se situe entre 1.600 et 2.000m d'altitude et offre de superbes couchers de soleil © Radio France - Théo Hetsch

"On descend régulièrement quand même et je crois qu'on arrive à trouver un équilibre entre l'isolement total et les amis", explique Angélique, la maman. "On essaie de faire en sorte qu'ils aient une vie d'adolescent à peu près normale".
 

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