Les mots lorrains

Cette apparition est toujours un bel événement ; on y voit ce qu'on appelle des néologismes, ces nouveaux mots inventés par des écrivains, des chanteurs et même beaucoup d'anonymes dont on dégote les trouvailles sur internet. C'est intégré dans le dico à partir du moment où un nombre non négligeable de Français s'approprient ces mots et les utilisent fréquemment. Voilà par exemple un petit nouveau, le mot « brouteur » qui vient du verbe brouter qu'on peut traduire par « manger sans faire d'effort » ; par extension, un brouteur est quelqu'un qui gagne sa vie sans se fouler, c'est notamment un escroc sur internet qui piège ses victimes sans bouger ses fesses. Vous avez aussi ce qu'on appelle les néologismes de sens : ce qui est nouveau, c'est un mot ancien qui prend un nouveau sens. Un des exemples les plus connus, c'est la souris, le petit rongeur devenu aussi, avec l'apparition de l'informatique, un boîtier nous reliant à l'écran... désormais sans fil, ou sans queue, une sorte d'eunuque ! Puisqu'on parle de fesses et de queue leu leu, restons dans cette région du corps avec le fion. Pas besoin de préciser, tous les Français savent ce que c'est, sauf que dans certaines régions, notamment la Lorraine, le fion est une vacherie, qui ne requiert pas forcément de l'humour vache. On dit s'envoyer des fions, un sport pratiqué au-delà du clan des trous du cul. Dans ces néologismes ou particularismes régionaux, la Lorraine fait très fort. Quelques exemples : tout le monde a en tête le cornet ; partout ailleurs, c'est un truc en forme de corne, un cornet de frites par exemple (à ne pas confondre avec le cornet de bif), mais en Lorraine le cornet est un sachet. Mamailler, c'est pareil, ça veut dire traficoter, bricoler, ou plutôt bricolouiller, mais vous n'entendez ça qu'en Lorraine. Si vous écrivez ceci dans la rubrique faits-divers : « les deux mamailleurs avaient bien cheulé puis avaient volé des schnecks et des shmers qu'ils planquaient dans leur cornet », vous travaillez assurément pour un journal lorrain. Il existe aussi les néologismes créés entre 1 et 2 grammes d'alcool dans le sang, des mots qui mélangent des sens qu'on a plus ou moins compris ou qui inversent des syllabes. Le meilleur dico en la matière est celui de Yan Lindingre, « Le gros robert illustré », le 3e tome est sorti il y a peu, je vous le recommande vivement. Yan Lindingre est né à Jarny, il est dessinateur de presse et auteur pour l'émission Groland sur Canal+. Son dico est un bar, un baragouineur, un petit qu'a fait (café) à coté du pot.