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Hommage à Antonio Machado

À retrouver dans l'émission
Hélène Legrais
Du lundi au vendredi à 07h25
De

Le portrait de cet immense poète enterré à Collioure, par Hélène Legrais.

Illustration
Illustration © Getty - fhm

Aujourd’hui nous aurions pu entonner « quand il est mort le poète » …

Il est sans doute l’hôte le plus illustre défunt du cimetière de Collioure où sa tombe est toujours fleurie et décorée aux couleurs de la République espagnole. On vient glisser un mot, un poème dans la boîte aux lettres qui y est installée. Antonio Machado, un des plus grands poètes espagnols, mort le 22 février 1939. D’épuisement. De désespoir. 

Comment est-il arrivé là ?

La guerre civile, comme les autres. Cette guerre qui l’a séparé de son frère Manuel, poète lui aussi mais qui a choisi l’autre camp, celui des franquistes. Antonio met sa plume au service de la République, à Madrid qui se retrouve quasiment encerclé. Le 24 novembre 36, les militaires en évacuent les intellectuels. Machado s’installe avec sa famille à Rocafort près de Valence, un refuge provisoire. En mars 38, l’avancée des nationalistes les chasse vers Barcelone puis vers la France quand la capitale catalane est à son tour sur le point de tomber en janvier 39. Machado et les siens font partie d’un convoi d’intellectuels qui met six jours pour arriver à Port Bou, au Mas Faixat, où ils passent leur dernière nuit en terre d’Espagne. Il fait froid et il pleut. Le flot des réfugiés est tel que, dans la montée du col des Balitres, les Machado doivent descendre de voiture, abandonner leurs bagages (parmi lesquels divers textes du poète, à jamais perdus) et gravir à pied les dernières centaines de mètres qui les séparent de la frontière. Celle-ci est fermée sur ordre des autorités françaises et ne sera ouverte aux civils que le lendemain, 28 janvier. Le journaliste et écrivain Corpus Barga intervient auprès du commissaire de police : « Antonio Machado est à l’Espagne ce que Paul Valery est à la France et en plus il est malade ». Le poète et sa mère Ana Ruiz sont embarqués dans un fourgon cellulaire jusqu’à Cerbère où ils passent la nuit dans un wagon oublié sur une voie de garage. 

Et le lendemain ils arrivent enfin à Collioure …

En fin d’après-midi, le poète âgé de 64 ans descend du train bondé accompagné de sa mère, son frère José et sa belle-sœur. Miné par une grave affection des bronches, il est exténué. Le chef de gare, Jacques Baills, leur indique l’hôtel Bougnol-Quintana. Machado ne sortira qu’une fois au bord de la mer, son état de santé se dégrade. Il s’éteint le mercredi 22 février donc à 15h30. Sa mère, qui agonise dans la même chambre, le rejoindra dans la mort trois jours plus tard. Jacques Baills, le chef de gare, fait la déclaration de décès à la mairie et alerte l’ambassade d’Espagne à Paris. La presse locale et internationale rend hommage au « poeta y español sin tacha ». Ses obsèques civiles ont lieu le lendemain présidées par le maire de Collioure, Marceau Banyuls, devant une foule de réfugiés, d’amis et d’admirateurs du poète. Le cercueil, recouvert du drapeau républicain, est porté par douze soldats espagnols de la Deuxième Brigade de cavalerie, emprisonnés au Château Royal. A Collioure Machado n’aura écrit qu’un seul vers, son dernier, griffonné sur un bout de papier retrouvé dans la poche de son pardessus : « Estos dias azules y este sol de infancia »  (Ces jours d’azur et ce soleil d’enfance)

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