Histoire du barrage et du lac de Vinça

Le Lundi de la Pentecôte, la tradition veut qu’on mange dehors, grillades, cargolades … et pendant longtemps un des lieux favoris des Catalans pour ce faire, c’était la cuvette de Vinça, sur les bords de la Têt …

Vous n’étiez pas né, Sébastien, mais moi oui, et je m’en souviens ! En contrebas de la 116, au pied du promontoire de Sant Pere de Belloc, il y avait des arbres, l’eau courait sur les galets, on la traversait par un petit pont qui permettait de rejoindre les bains de Nossa connus pour leurs eaux sulfureuses, où la jeunesse vinçannaise venait faire la fête. Mais tout ça a disparu en 1974 quand on a commencé à construire le barrage de Vinça. 

Une idée qui n’est pas neuve : en 1882, une vieille connaissance, Edmond Bartissol envisageait déjà d’assurer l’irrigation de la plaine en implantant un barrage à cet endroit même, en travers de la gorge St Pierre, et aussi sur l’Agly et le Tech. 

Ce projet n’avait pas abouti mais le site l’intéressait et en 1899, il y fait édifier un petit barrage alimentant une usine hydroélectrique. 

Ce sont les crues à répétition, parfois dévastatrices comme lors de l’aiguat d’octobre 1940, qui vont finir par convaincre les autorités. Un barrage permettrait en effet à la fois d’écrêter ces crues, d’assurer l’irrigation en aval et de contribuer à l’alimentation en eau de Perpignan et de la côte via le canal de Corbère. A l’époque, on n’imaginait pas qu’en plus, les canadairs et les bombardiers d’eau viendraient s’y ravitailler ! 

Le principe est adopté par le Conseil général en 1968 mais les travaux ne commencent qu’en 1974. Le temps de réaliser toutes les études et les essais sur modèle réduit en laboratoire, la catastrophe du barrage de Malpasset en 1959 est encore dans toutes les mémoires … 

J’imagine que ça a été un chantier énorme !

Vous imaginez bien. Il s’agit de construire en travers de la Têt, un barrage de type « poids » (et non voûte), de 60m de haut au-dessus des fondations, 190m de développement, encastré de 10m dans le granit et qui doit supporter une retenue d’eau de 25 millions de m3. 

Le débit étant contrôlé par deux évacuations de surface et deux vidanges de fonds qui représentent une capacité totale d’évacuation de 3000m3/seconde. Première étape, il faut assécher le site et donc dévier le cours de la Têt : un petit barrage provisoire est construit en amont et une galerie souterraine de 200m est creusée sur la rive gauche. Après six mois de travail, le 19 juin 1975, l’eau s’engouffre dans le tunnel, les travaux de terrassement peuvent commencer. 

On creuse l’excavation pour les fondations à l’explosif, on récupère les galets en amont pour les concasser et en faire les granulats pour le béton qui sera transporté par bennes via un téléphérique à l’endroit, coffrage et ferraillages, où il doit être coulé. 

Le bétonnage de la partie centrale commence en février 76, en juin 77 le gros œuvre est terminé. On obture la galerie et on détruit le batardeau en amont pour ramener la Têt dans son lit. Le temps de faire les finitions puis les essais en charge et en juin 1978, le barrage entre en service !