Françoise de Cezelli, personnage incontournable de Leucate

Aujourd’hui, nous faisons quelques pas hors du département pour aller jusqu’à Leucate … 

Et cette histoire le valait bien ! Nous sommes en 1586. Henri IV, roi protestant, est aux prises avec les Ultras catholiques réunis dans une Ligue soutenue par les Espagnols qui décident de s’emparer de la forteresse de Leucate qui, entre mer et étang, garde la frontière sud du royaume de France. Le gouverneur de Leucate, Jean de Boursiez de Barri part prévenir le commandant de la Province du Languedoc. 

Il demande à sa femme de s’enfermer dans la forteresse et de tenir coûte que coûte. Son épouse, Françoise de Cezelli, ranime l’ardeur de la garnison et défend le château avec vaillance. Or voici que Boursiez de Barri tombe aux mains des Ligueurs. Ulcérés par la résistance de Leucate, ceux-ci proposent un marché à Françoise : ils lui rendent son mari en échange de la reddition de la ville. 

Et que décide-t-elle ?

Fidèle à son devoir, Françoise de Cezelli refuse. Les Ligueurs exécutent son époux. Henri IV, ému par ce sacrifice héroïque, laissera le gouvernement de la forteresse à Françoise jusqu’à ce que son fils ainé, Hercule, soit en âge de l’exercer. Une femme gouverneur d’une place forte militaire, c’est du jamais vu. Et la population de Leucate va conserver au fil du temps respect et admiration pour cette indomptable sans avoir les moyens de l’honorer dignement … jusqu’à la fin du XIXe siècle où la vigne apporte une certaine prospérité. 

On en profite pour ériger sur la place une statue de l’héroïne, et pas une petite : 3m80 de haut, 6m avec le socle. Françoise de Cezelli est représentée en cuirasse, brandissant de la main droite un drapeau déchiré et tenant fermement de la gauche les clefs de la ville que son sacrifice avait sauvegardée. Le monument est inauguré en 1899 et fait la fierté de Leucate jusqu’en mai 1942, date à laquelle le gouvernement de Vichy entreprend de récupérer le bronze des statues pour le livrer aux Allemands. Des ouvriers viennent donc déboulonner Françoise de son piédestal. Une fausse manœuvre et la statue bascule sur un camion. Dans sa chute, sa main se casse. La gauche. 

La statue est finalement emportée mais sans le morceau manquant. Là encore Françoise ne livrera pas la ville, ses clefs restent à Leucate. Quel symbole ! Le socle reste vide pendant des décennies. En 1975, une nouvelle statue moderne, en résine, est érigée mais les vieux Leucatois la rejettent. En 2007, lorsque la place de la République est rénovée, la municipalité commande dans le plus grand secret une copie de la statue originale à un fondeur alsacien et le jour de l’inauguration de la place, les Leucatois, émus aux larmes, ont la surprise de retrouver « leur » Cézelli !