Françaises, Français, Portraits - Casque d'Or

Amélie Elie, j’ai naquit le 14 mars 1878 à Orléans. Quoi ça se dit pas ? c’est pas intellectuelle que j’veux être moi. Mon père est complètement alcoolo et ma mère, femme de ménage. Alors, j’cause peut-être pas bien la France, mais chuis précoce, très précoce ! A 13 ans je me fous en couple avec «Matelot», il a 15 ans. Ben quoi on voulait être indépendants, on a le droit non ?

C’est un petit voyou, trop petit, je le quitte pour une mère maquerelle, oui j’ai de l’ambition moi, m’ssieurs dames.

Elle est jalouse, trop jalouse, je la quitte aussi, pour un chef de gang parisien, Bouchon qui s’appelle mon homme. Je grimpe dans l’ascenseur social.

J’fais le tapin pour lui, c’est qu’ça rapporte ce boulot. Chuis d’utilité publique moi, j’vends du rêve aux hommes et soulage les épouses, ça vaut bien quelques deniers ça ! non ?

Y commence à m’tabasser le Bouchon, porte mal son nom çuila, je change, encore. J’vais voir son concurrent, plus ambitieux, Manda, y s’fait appeler lui. C’est que j’ai déjà 19 ans, faut que gravisse encore les échelons.

Bon, le problème, chez ces gens-là, c’est qu’on se pique pas les gonzesses, du coup y vont s’faire la guerre tous les 2. Ça va défrayer la chronique, le tout-Paris se passionne pour cette guerre des gangs. Tout ça, pour une femme de peu…. j’vous jure…. bon, faut dire que chuis douée à l’horizontale, ceci explique cela.

La légende s’empare de mon histoire, pièces de théâtres, chansons, articles me rapportent pas mal de flouze. Les 2 zozos, eux, sont envoyés au bagne, sur l’île du Diable.

J’me calme enfin, deviens bonnetière, me marie avec un cordonnier respectable et élève ses neveux. Je lance même la carrière d’une certaine Simone Signoret, qui m’incarnera à l’écran en 1952.

Je disparais à 55 ans, le 6 avril 1933, à Bagnolet.