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Karim Jenhani, le nageur de l'extrême qui ne craint pas l'eau glacée

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Licencié au Grenoble Alp'38, Karim Jenhani dispute du 12 au 15 janvier les championnats du monde de nage en eau glacée à Samoëns, en Haute-Savoie. Les épreuves se déroulent dans une eau dont la température dépasse à peine zéro degré...

Karim Jenhani à l'entrainement à la piscine des Buclos à Meylan Karim Jenhani à l'entrainement à la piscine des Buclos à Meylan
Karim Jenhani à l'entrainement à la piscine des Buclos à Meylan © Radio France - Lionel Cariou

Ce matin-là, un peu avant 8 heures, ils sont une vingtaine à s'entrainer dans le bassin de 25 mètres de la piscine des Buclos à Meylan. Ce sont les "masters" du club de natation Grenoble Alp'38. On y croise notamment le champion David Smétanine (multimédaillé aux Jeux paralympiques dont l'or à Pékin en 2008), mais aussi un drôle de poisson : Karim Jenhani. Il s'entraine comme les autres nageurs du club - 5 à 6 fois par semaine, à raison de 4 à 5 km par séance. Sauf que dès qu'il a du temps libre, le week-end, cet architecte maître d'œuvre de bientôt 42 ans pique volontiers une tête dans un lac, été comme hiver. "On passe à côté de de personnes qui sont sur-habillées, sourit le nageur. Et quand on voit une personne dans un lac quasi gelé en slip en train de se la couler douce, c'est vrai que des fois ça fait sourire, et ça impressionne un peu." Son lac préféré ? Celui du Bourget, pour la vue sur les montagnes. Car ce qu'il aime, ce n'est pas tant le froid que le fait de nager dehors. En Tunisie, d'où il est originaire, il pouvait déjà se baigner toute l'année, dans la mer. Dans les Alpes l'eau est juste un peu plus froide...

Mondiaux à Samoëns du 12 au 15 janvier

Karim Jenhani pratique depuis longtemps la compétition que l'on qualifiera de "classique", en bassin, dans une eau à 26 ou 27 degrés. Mais depuis deux ans, il se consacre à "l'ice swimming" ou nage en eau glacée qui se pratique à l'extérieur dans une eau dont la température est comprise entre 0 et 5 degrés (entre 5 et 10 degrés, c'est la nage hivernale). Le mois dernier, il a remporté six médailles (deux en argent, quatre en bronze) aux championnats de France à Megève. Et il a décroché une place aux mondiaux qui se déroulent en ce moment, du 12 au 15 janvier à Samoëns (Hautes-Savoie).

Karim Jenhani (à gauche) et son entraineur Alexandre Dumoulin
Karim Jenhani (à gauche) et son entraineur Alexandre Dumoulin © Radio France - Lionel Cariou

Pour lui, la nage en eau glacée, c'est d'abord une question de mental : "il y a quand même pas mal d'exercices de méditation à faire donc beaucoup de sur-ventilation, beaucoup de préparation mentale, et beaucoup de concentration. Et puis il faut toujours rester à l’écoute de son corps ." Le corps, justement est mis à rude épreuve dans ce sport extrême. Alexandre Dumoulin, son entraîneur au Grenoble Alp'38, décrit les mécanismes à l'œuvre : "d’abord un essoufflement, la sensation vraiment de ne plus pouvoir respirer, la chaleur corporelle qui monte très vite - c'est paradoxal le froid créé aussi une sensation d'être un peu brûlé - et il y a aussi la sensation d'être tétanisé, le froid créé forcément une crispation". Et ce n'est pas sans danger : le nageur peut risquer la syncope ou l'hypothermie... Karim Jenhani insiste : c'est un sport extrême. De fait, les compétiteurs font l'objet d'un suivi médical spécifique.

"Euphorie"

Pourtant, il décrit le sentiment "d'euphorie" qui le gagne en course, cette envie d'y retourner dès que l'on sort de l'eau. À l'écouter, ce ne serait que du plaisir. D'autant qu'en ce qui concerne la diététique, le nageur en eau glacée est un privilégié : "lcôté ludique c’est de manger gras ! sourit Karim Jenhani. Parce que pour faire ce sport il faut quand même avoir un minimum de masse adipeuse pour pouvoir encaisser ces températures." Inutile de faire trop attention, donc, pendant le réveillon. Surtout quand on doit disputer une compétition juste après ! Mais il faut aussi et surtout une bonne dose de muscles pour avancer. Tout est une question d'équilibre...

Karim en tout cas a l'enthousiasme communicatif, et il force l'admiration chez ses collègues nageurs. Car gérer le stress d'une course, c'est déjà beaucoup. Mais alors quand il s'agit de plonger tête la première dans une eau à quelques degrés... "Ce qui me plaît c’est vraiment l’excitation qu’on ressent avant d’aller dans cette eau froide, analyse le champion. J’aurais tendance à dire qu'il y a quand même une part d’adrénaline, une part de peur aussi, et cette envie d'aller un peu vers l’inconnu. En compétition on ne sait pas trop comment le corps va réagir : il peut réagir différemment entre une eau par exemple à 3, ou 4°. C'est ce côté défi que je trouve très stimulant." Se met-il dans un état particulier avant une course ? "Certains peuvent se mettre dans un état de relaxation, un état de zenitude. Moi je suis un peu dans l’extrême : je me mets dans un état d’excitation totale et je ressemble à un lion en cage, avant de lâcher les chevaux dans la course."

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