Passer au contenu

20 ans après AZF : le rectorat n'était pas préparé à ce genre de catastrophe selon Nicole Belloubet

Par

Nicole Belloubet, ancienne rectrice de l'académie de Toulouse au moment de l'explosion d'AZF, le 21 septembre 2001, s'est confiée à France Bleu Occitanie dans le cadre du podcast "Mon AZF : histoire de Toulousains". Vingt ans après, elle revient sur cette catastrophe qui a marqué sa vie.

L'ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, était rectrice de l'académie de Toulouse au moment de l'explosion d'AZF. L'ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, était rectrice de l'académie de Toulouse au moment de l'explosion d'AZF.
L'ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, était rectrice de l'académie de Toulouse au moment de l'explosion d'AZF. © Radio France - Jeanne-Marie Marco

Ce mardi 21 septembre 2021, la ville de Toulouse commémore les 20 ans de l'explosion de l'usine AZF. L'ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, s'est confiée à notre micro pour l'occasion, dans le cadre de notre série-podcast de 12 épisodes, "Mon AZF : histoire de Toulousains". Elle était rectrice de l'académie de Toulouse au moment de la catastrophe

Quel souvenir gardez-vous de ce jour-là ?

Je garde un souvenir extrêmement précis de ce jour, puisqu'en réalité, je me trouvais à Paris, car j'avais une réunion. Et je me souviens très bien, j'ai pris l'avion vers 9 h - 9 h 30, et quand je suis arrivée à Paris, j'ai essayé de joindre mon directeur de cabinet : pas de réponse. Mon secrétariat : pas de réponse. J'étais très étonnée qu'aucun ne réponde et j'ai su, par un coup de fil, qu'il y avait eu une grave explosion à Toulouse. Et à ce moment-là, nous pensions plutôt à une explosion de type terroriste puisque nous étions quelques jours après le 11 septembre.

Qui vous l'a annoncé ?

C'est Christian Forestier, directeur de cabinet du ministre de l'Éducation nationale qui me dit : "Nicole, il y a une grave explosion à Toulouse. Tes enfants sont en sécurité". Et je suis très étonnée qu'il me parle de mes enfants puisque mes enfants étaient scolarisés à Toulouse, deux lycées différents. Et, de là où je suis, je n'ai pas conscience encore de ce qui se passe à Toulouse, pour moi, il n'y avait pas de problème pour mes enfants. Évidemment, on m'a demandé de revenir à Toulouse. Mais lorsque j'ai voulu prendre un avion, il n'y en avait plus. L'aéroport avait été fermé et donc j'ai trouvé un moyen de revenir par Bordeaux. 

C'est une inquiétude mêlée d'incertitude car les informations étaient éparses. Tout ça a été très compliqué

J'étais à Toulouse en deuxième partie d'après-midi. C'est un souvenir vraiment très fort parce que ne pas être sur place, alors que l'inquiétude monte progressivement. L'inquiétude pour l'école dont j'étais responsable, de la maternelle à l'Université. Et puis, pour toutes ces familles, tous ces blessés dont on parle, c'est une inquiétude mêlée d'incertitude puisque les informations étaient éparses. Tout ça a été très compliqué.  

Les images de la catastrophe sont encore dans toutes les têtes.
Les images de la catastrophe sont encore dans toutes les têtes. © Maxppp - Stéphane Lartigue

Quelles sont les premières consignes qui ont été données ?

Le souvenir que j'en ai, c'est que ce n'était pas très bien organisé. C'est-à-dire qu'en fait, le poids de la responsabilité reposait sur les chefs d'établissement eux-mêmes, les principaux, les proviseurs, les directeurs d'école, et c'était très compliqué parce que des élèves ont quitté les établissements sans le dire. D'autres ne savaient pas où aller. Il y avait des parents qui cherchaient leurs enfants. 

Il a fallu faire face à des catastrophes humaines et catastrophes matérielles

Les lignes téléphoniques ne marchaient plus à ce moment-là. Donc tout ça a été très compliqué et je crois qu'à l'époque, nous n'avions pas vraiment de plan de mise en sécurité en cas de troubles et de risques majeurs. Alors, tout de suite après, on a mis en place ces plans, mais au moment de l'explosion, nous n'en avions pas ou qui fonctionnaient assez peu. Cette première journée n'a donc pas été très ordonnée. Il a fallu faire face à des catastrophes humaines et catastrophes matérielles également. On avait 70.000 élèves et étudiants dehors, donc il a fallu abriter et redémarrer. Nous avons mis une semaine avant de relancer l'ensemble des cours.  

Quelle est l'image qui vous a le plus marqué ? 

Il y en a vraiment beaucoup, ça m'est difficile d'en retenir une. Pour moi, rectrice d'académie, c'est sans doute le lycée Gallieni complètement détruit. Ce sont ces élèves blessés, les professeurs nous expliquant où l'élève qui est décédé est mort. Ces images-là restent. Beaucoup d'images_._ Et donc c'est très important de se souvenir, pour une ville comme Toulouse, évidemment, de se souvenir de cela. Et puis, je crois que c'est important de dire aussi que c'est d'abord une catastrophe humaine. 

Pensez-vous que 20 ans plus tard, la plaie est cicatrisée à Toulouse ?  

Je ne suis pas certaine. Je pense que l'événement a été surmonté, parce qu'on le voit bien : le cancéropôle, les universités, les reconstructions... L'événement a été surmonté. Mais je ne sais pas si la plaie est cicatrisée pour tout le monde, on l'a vu avec le travail accompli par ces associations qui continuent à faire vivre ce moment-là par le procès. Après de tels bouleversements, je ne sais pas si la cicatrisation est possible dans cette génération-là. Personnellement, je ne sais pas si ça a marqué ma carrière, mais en tout cas, ça a marqué ma vie, tout simplement. 

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined